POUVOIR
La naissance est un des événements qui incube énormément de pouvoir. Idéalement, la personne qui accouche devrait pouvoir y toucher, à ce tsunami de pouvoir qui germe en elle depuis toujours et n’attend que de pouvoir pouvoir. Se laisser transformer, abandonnée, aimée, confiante. Et toucher à ce qu’il y a de plus fort en elle, l’assimiler comme sa nouvelle identité…
‘’Le pouvoir appartient aux personnes qui accouche…’’
‘’Re-donner le pouvoir aux femmes….’’
Nous entendons beaucoup ces phrases dans notre monde d’accompagnement. Je les comprends, les valide. Les bébés naissent dans des conditions héritées de plusieurs milliers d’années ‘d’hommerie’, comme disait mon père. Les bébés naissent dans des conditions qui font souvent que leurs parents sont dépossédés de savoir et de pouvoir. Alors nous, les doulas, nous répondons en éduquant, en proposant aux personnes enceintes et qui accouchent une reprise de contact avec leurs corps, en rappelant leurs droits aux parents, en veillant sur la bulle lors des naissances. C’est bien normal, et après toutes ces années c’est encore le seul chemin que je trouve.
Mais est-ce que nous, les doulas, pourrions aussi faire partie de ce vampirisme de pouvoir ? Si, par notre nature bien humaine, nos traumas, nos modes relationnels, nous ne devenions qu’une autre source de dépossession de pouvoir pour les parents ?
Je réponds : pour que les parents (particulièrement les personnes qui accouchent au moment de la naissance) puissent toucher leur pouvoir, nous devons nous caler doucement dans une chaude piscine d’humilité.
Il m’importe de dire que pour que les femmes/personnes qui accouchent puissent, les doulas et autres personnes autour doivent intégrer profondément cette posture d’humilité. Cela ne se fait pas du jour au lendemain, et souvent avec quelques heurts.
Il est si facile de prendre pouvoir lors de l’éclosion d’une personne. En cours d’éclosion, les frontières craquent, les limites sont floues, la personne est vulnérables aux vents et influences qui l’entourent…. Nous, doulas, sommes invitées à être là pendant que la personne expose au monde sa vulnérabilité psychique, physique, émotive….c’est à couver. Simplement, couver. Chaque petite miette de pouvoir que l’on prend est enlevée à la personne qui éclot.
Croire qu’on sait : comment, quand, le mieux, le pire…
Croire qu’on peut empêcher quoique ce soit…
Croire que grâce à nous ce bébé arrivera plus vite, moins vite, plus tôt, plus facilement…
Croire qu’on peut deviner ce dont ces parents, cette famille a besoin…
Transposer nos croyances ou nos histoires et présumer de leurs réalités…
Vouloir guérir nos histoires par leur histoire…
Glisser vers la suggestion de ‘bonnes réponses’ à leurs questions, leurs hésitations…
Transmettre des idées figées sur ce qui est bien ou ce qui est mal…
Tomber dans le piège de la toute-puissance; c’est tentant parfois.
Avec humilité, revenir à ce qu’est ACCOMPAGNER; n’est-ce pas simplement MARCHER À CÔTÉ ? Être ce regard qui dit : je crois en toi, tu peux le faire. Le faire à ta manière. Tu peux t’abandonner, tu es en sécurité. De quoi as-tu besoin ?

C’est d’une simplicité désarmante. Et c’est très compliqué.