On bouge, on mange, patience et soutien: quand tout va bien c’est comme ça qu’on accouche ( SOGC 2016)

Depuis 2012, j’amène mes pénates de doula au creux de plusieurs unités d’obstétrique. Des Laurentides à Valleyfield, j’ai eu l’occasion d’observer les habitudes de pratique de plusieurs équipes hospitalières.

Nous, les doulas, sommes dans une étrange posture; Michel Odent le dit d’ailleurs; une doula doit savoir un peu de beaucoup de choses. Sans poser d’acte clinique ( écoute du cœur fœtal, examen vaginal, etc..), nous devons connaître les limites de la normalité et les moyens de la favoriser. Nous soutenons les parents dans leurs désirs qui ne cadrent pas toujours avec les procédures habituelles. On se retrouve donc, chacune avec notre bagage, à observer ce qui se passe…on est parfois surprises, soulagées, perplexes, choquées ou transportées par ce que l’on voit.

Moi, j’ai besoin de fouiner dans la littérature scientifique pour comprendre où en sont les connaissances sur la naissance. On en sait bien peu, en fait, et c’est fascinant. Je me souviens d’un médecin qui m’avait dit que parfois, il sentait bien fort que la médecine est un art. Et que lui, il aimait se le rappeler. On improvise à l’instinct, on essaie d’éviter le plus de risques possibles, et chacun ( mère, père, équipe hospitalière) a son propre niveau de tolérance aux risques potentiels. J’ajouterais que chacun(e) a aussi un niveau de confiance et de compréhension des besoins des mères différent. Et qu’on ne peut JAMAIS prévoir un accouchement. Parfois cela mène à des accouchements très encadrés, poussés comme si on était à côté d’une bombe à retardement. Même quand tout va bien. D’autres fois, la confiance est grande en cette mère, ce bébé et leur chemin à eux.

Donc, la petite doula elle voit tout ça et se demande : mais ça tient à quoi exactement ?

Il y a quelques jours je suis tombée sur de nouvelles recommandations de la SOGC concernant la prise en charge du travail spontané chez les femmes en santé, à terme. Tiens, tiens, interesting mon cher Watson. La Société des Obstétriciens Gynécologues du Canada ( SOGC) existe depuis 1944 et représente plus de 3 000 médecins omnipraticiens, infirmier(e)s, sages-femmes et obstétriciens/gynécologues. Entre autres fonctions, elle établit des recommandations cliniques basées sur les dernières données probantes. En clair, elle dit : Ok tout le monde, selon ce qu’on en sait, on devrait travailler comme ça.

Je me suis donc amusée à décortiquer un peu cette directive clinique publiée en septembre 2016 qui concerne les ‘bonnes’ pratiques à tenir lorsqu’une femme en santé qui porte un seul bébé se présentant tête première entre spontanément en travail. Ça a piqué ma curiosité car on ne parle pas d’une bombe à retardement, ici.

Je vous ressors quelques points qui peuvent vous paraître surprenants. La directive clinique est bien sûr plus étoffée; la lire serait une bonne idée. Ainsi, vous pourrez dire à votre voisine que non, on ne coupe plus les périnées des femmes pour rien, et pis que oui, on peut boire et manger en travail.


GO !

Recommandation 3. Les femmes devraient être informées des avantages de la position verticale pendant le travail. Par ailleurs, on devrait les encourager à trouver les positions qu’elles pensent être les plus confortables et les aider à les adopter.

  • Oui oui ! Fini la petite madame qui subit ses contractions couchée au lit. On devrait même vous dire que c’est mieux pour vous et votre bébé de suivre vos sensations et vous aider en aménageant le matériel pour vous permettre d’être confo et détendue. On dit même que ça raccourcit le temps de travail, diminue les taux de césarienne et de péridurale, et que ça donne moins de bébés ayant besoin de soins néonataux/intensifs.

 

 

 

Recommandation 4. On devrait laisser aux femmes peu susceptibles d’avoir besoin d’une anesthésie générale le choix de manger ou de boire comme elles le souhaitent ou selon ce que permet la phase de travail.

Merci beaucoup.   »ou selon ce que permet la phase de travail »…. ? Je ne sais pas trop. J’aime à penser qu’on veut dire  »selon ce que ressent la mère » 🙂


 

 

 

Recommandation 5. Le soutien continu pendant le travail est recommandé pour toutes les femmes en phase de travail actif. Toutes les unités d’obstétrique devraient offrir à chaque femme la possibilité de bénéficier d’un soutien continu et individuel pendant le travail.

Bon. Là, juste pour mon gros plaisir, je vous recopie les explications qui suivent cette recommandation : ‘ Le soutien continu pendant le travail (SCT) désigne des soins non médicaux fournis pendant le travail et comprend une présence continue, un soutien affectif, des mesures de confort, la défense des droits, des renseignements et des conseils. Le SCT peut être offert par une personne qualifiée comme une doula, une infirmière ou une sagefemme, ou encore par un ami ou un proche choisi par la femme. Une revue systématique Cochrane de 2013 qui portait sur plus de 15 000 femmes de milieux défavorisés ou de classe moyenne a révélé que le SCT augmente la probabilité d’accouchement vaginal, diminue le risque d’accouchement par césarienne, réduit le recours à l’analgésie péridurale et améliore l’indice d’Apgar et la satisfaction de la mère. Les analyses de sous-groupes ont montré que le SCT est particulièrement efficace lorsque la personne qui l’apporte ne fait pas partie du personnel de l’hôpital ou du réseau social de la femme.’   Mais c’est moi, ça ?!


 

 

Recommandation 8. Lorsque cela est approprié, les prestataires de soins de santé devraient soutenir les femmes dans leur choix concernant les méthodes analgésiques à utiliser pendant le travail, qui pourraient comprendre des mesures pharmacologiques et non-pharmacologiques.

Donc : si vous souhaitez faire un bout de chemin sans épidurale, les personnes présentes devraient vous respecter et vous soutenir en ayant autre chose à vous proposer si l’intensité devient plus difficile à traverser. Ça, ça veut dire des infirmières formées à la physiologie et au soulagement non-pharmacologique.

 


 

Recommandation 12. On devrait encourager les femmes qui reçoivent une péridurale à adopter des positions confortables et à maintenir leur mobilité et leur flexibilité tout au long du travail.

Non, ce n’est pas obligatoire de restée couchée après avoir reçu l’épidurale. On ne peut pas vraiment marcher en général, mais on peut virevolter dans le lit dans tous les sens (avec un tit-peu d’aide 😉 ) . On dit que ça favorise l’accouchement vaginal.


 

 

Recommandation 15. Il vaut mieux retarder la poussée lorsque la femme ne ressent pas le besoin de pousser, en particulier si la présentation est à une hauteur supérieure à +2cm ou n’est pas occipito-pubienne, en supposant que la surveillance du fœtus ne montre rien d’anormal et que l’état de la parturiente est satisfaisant.

-Bon. En clair : Quand la mère et le bébé vont bien, on est mieux d’attendre que la femme sente son réflexe de poussée. Surtout si son bébé est encore haut ou n’a pas encore placé sa tête dans l’axe le plus favorable. Ce n’est pas parce que le col est complètement ouvert que c’est le temps de pousser. On dit qu’on peut laisser bébé descendre par la seule pression des contractions jusqu’à 2 heures après la dilatation complète, avec ou sans épidurale. Je vous fais ça court, mais une autre recommandation établit qu’on devrait aussi laisser la mère pousser selon ce qu’elle ressent, soit spontanément ou en étant dirigée.


 

 

 

Recommandation 18. Il faut éviter le recours systématique à l’épisiotomie lors des accouchements vaginaux spontanés.

  • Merci beaucoup.

 

 

 

Recommandation 19. Il n’est pas recommandé de procéder à un accouchement opératoire moins de 2 heures après le début de la poussée si l’état de la mère et la surveillance fœtale sont normaux.

  • En clair : pas de forceps ou ventouses moins de 2 heures après le début de la poussée quand tout le monde va bien.

 

 

Voilà mes petits moineaux, servez-vous en, c’est pour vous ! Et rappelez-vous: l’accouchement est un acte physiologique normal.

 

Crédit photo www.lalobaphoto.com Merci magnifica !

4 réflexions sur “On bouge, on mange, patience et soutien: quand tout va bien c’est comme ça qu’on accouche ( SOGC 2016)

  1. Chère Amélie,

    Merci pour ce texte très éclairant, parfaitement vulgarisé et épicé d’une pointe de ta charmante personnalité! Ce genre de texte peut vraiment faire la différence pour les femmes alors je m’empresse de le diffuser! Je suis tellement fière qu’on puisse te compter dans la merveilleuse équipe de Mieux-Naître à Laval! En fait, si l’équipe est merveilleuse, c’est grâce à des personnes merveilleuses comme toi !

    Merci !!!

    Lysane

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